Nous soutenons l'action des Associations Acousti.Arc et VulturesMusick pour la sauvegarde de la Maison Zilveli de l'architecte autrichien Jean Welz.
Voici quelques mots de notre confrère Jea-Louis AVRIL.
ImmoDurabilité
Jean WELZ, Architecte (1900-1975)
Cet Autrichien, qui fut à Paris le collaborateur de Raymond Fischer, montre dans son oeuvre réduite à deux constructions et trois projets une surprenante maîtrise de la recherche moderniste et de l'exploration des géométries aléatoires.
Un jour de 1985 l'équipe réunie autour de Pierre Granvaud pour préparer une exposition sur le Mouvement Moderne en France tombait en arrêt devant une photo non identifiée. Rigueur, austérité, aisance, invention, c'est de ces vertus somme toute assez rares dans le panorama français de l'époque que nous parlait cette maison haut perchée sur de fins pilotis et une petite vue de la pièce de séjour. Aucun commentaire ni plan n'accompagnait ce qui nous semblait bien une profession de foi moderniste de la meilleure veine.
C'est à Raymond Fischer - nous le rencontrâmes plusieurs fois pour notre projet d'exposition - que revint le mérite de nous éclairer sur cet architecte inconnu air bataillon de l'avant-garde française, un certain Jean Welz. Il avait été durant plusieurs années l'un de ses collaborateurs les plus proches, sa femme et ses enfants vivaient en Afrique du Sud où il avait émigré avant la deuxième guerre mondiale. Plus tard je pus rencontrer son fils Martin et une autre fois madame Welz. Ils me communiquèrent assez d'informations et de documents qui étayèrent l'impression forte laissée par l'énigmatique photo.
Cependant tous les aspects de son activité d'architecte à Paris ne purent être totalement éclaircis. Notamment pour ce qui est de sa contribution à la production de l'agence Fischer, les témoignages de Mme Welz et de son fils furent très divergeants.
Né à Salzbourg le 4 mars 1900, Jean Welz meurt le 24 décembre 1975 à Cape Town. Sa famille dirigeait une entreprise de cadres pour tableaux et son oncle Max était un ami de Joseph Hoffmann.
Attiré par la musique il apprendra la guitare, le violon et un temps hésitera entre l'architecture et une carrière de chanteur d'opéra. A 18 ans, il entreprend des études d'architecture à la Kunstgewerbeschule de Vienne où enseigne Hoffmann, chez qui il travaillera par la suite. Dans l'agence il rivalisera avec un certain Haerdtl à propos du projet pour le pavillon de l'Autriche à l'exposition des Arts Décoratifs de 1925. Il sera blessé de la préférence donnée au projet de son rival qui ne lui paraissait pas assez "moderne". L'oncle Max était influent et Welz dessinera tout de même des encadrements pour la décoration intérieure du pavillon. Hoffmann l'enverra à Paris pour le chantier, il ne retournera jamais plus en Autriche.
Après des collaborations épisodiques chez Le Corbusier, Mallet-Stevens et Adolf-Loos, il commencera fin 1927 à travailler assez régulièrement pour Fischer jusqu'en 1935. Ce dernier se souvenait de lui dans ces termes : "un brillant élève de Loos... un mélomane distingué qui m'a fait comprendre combien l'architecture et la musique étaient des disciplines complémentaires." Ensemble ils signeront l'opération de la rue de Charonne dont la maquette fut exposée au salon d'Automne de 1930. A partir de 1933, parallèlement à sa collaboration avec Fischer, il aura une activité indépendante et produira quelques projets dont deux maisons particulières ont été retrouvées. Une deuxième tentative infructueuse, près de dix ans plus tard, de réaliser le pavillon de l'Autriche pour l'exposition de 1937, l'aggravation de la situation européenne, le pousseront à émigrer en Afrique du Sud en 1936 où grâce à une lettre de recommandation de Le Corbusier il obtiendra un poste de dessinateur-projeteur auprès de l'université du Witwatersrand. Gravement malade des poumons pendant deux ans il se met à peindre durant sa convalescence. A partir de 1943 il se consacre exclusivement à la peinture, ce qui lui vaudra dans son dernier pays d'adoption une notoriété que ni l'Autriche, ni la France ni l'architecture ne lui accordèrent jamais.
De son oeuvre réduite à trois maisons dont sans doute deux seulement furent construites - et deux projets - non réalisés émanent une connaissance complète des objectifs de la recherche moderniste la plus avancée et une talentueuse aptitude à la " synthèse esthétique" que ne lui attrait pas dénié l'équipe de la "Nouvelle architecture" réunie autour du suisse Alfred Roth. La virtuosité de l'esquisse pour le pavillon de l'Autriche permettrait même de situer son travail à la pointe des explorations de l'époque des géométries aléatoires et sinueuses du plan.
Maison Landau
On petit voir à coté de la mairie d'Épinay une bâtisse sans grâce qui abrite un service social de la municipalité. Constituée d'un parallèlépipède percé de trois grandes baies carrées et affublée d'un appendice de deux niveaux légèrement en retrait, c'est ce qui reste de la maison construite pour M. et Mme Landau dans les années 1930. A l'origine le bloc municipal imposait sa masse austère, deux volumes annexes beaucoup plus discrets abritant l'entrée de la maison et un garage. La photo d'époque de la façade fait songer dans sa simplicité délibérée, presque dure, à l'architecture européenne de la "Nouvelle objectivité" mais rappelle aussi le rythme ternaire de la façade de l'hôtel Dury construit en 1928 à Boulogne-sur-Seine par Fisher et dont Jean Welz conservait une photo. Comme pour la maison Zilvelli et la maison Rire - dont ne sont connus que les plans de niveaux et une perspective - l'architecte exploite ce qui semble chez lui un thème spatial récurrent : la division d'un prisme allongé de hauteur double selon un plan vertical médian permettant de régler à la fois les problèmes de distribution domestique, d'éclairage et de donner un intérêt plastique particulier par la mise en valeur de la plus grande dimension disponible.
Maison Zilveli
Dans le quartier des Buttes Chaumont, au dessus d'une étroite bande de terrain (6 mètres sur 30) d'où l'on découvre tout Paris d'ouest en est, flotte une longue boîte rectangulaire dont le volume est exactement égal au vide limité par les fins pilotis qui la portent. Ce parallélépipède horizontal est "ancré" au terrain à l'est vers la rue par un retour d'équerre et vers l'ouest par une étroite lame de béton brut portant un balcon accolé à la façade. La construction est alignée au nord sur la limite de propriété et légèrement en retrait au sud où se développe une longue façade. Celle-ci ordonnée par un tracé régulateur corbuséen du type "Weissenhof" où les diagonales qui "compromettent les parties essentielles de la composition" sont données par la proportion de la trame constructive: 5,80 m entre portiques et 4,70 m de hauteur sous pilotis. L'égale division verticale entre solide et vide et les trois travées porteuses la compartimente en six rectangles identiques. Toutes les lignes de cette façade sont sur le tracé diagonal y compris les éléments de serrurerie.
Comme à la villa Stein de Monzie la pente de l'escalier d'accès installé sous la travée est devait être parallèle à la diagonale régulatrice. Cette intention, visible sur le projet, fut abandonliée à la réalisation au profit d'une pente plus praticable. La lame de béton brut portant le balcon reprend la proportion du rectangle des baies, donc de l'ensemble du solide suspendit. Au niveau du sol, vers l'ouest, deux travées sont aménagées en espace de jeu avec pataugeoire, bac à sable et agrés, la troisième vers l'est étant occupée par les accès et des locaux de service. Au-dessus le prisme droit suspendu est marqué d'une symétrie accusée par le traitement de la travée centrale. Dans toute sa largeur s'ouvre une baie horizontale dont la distribution de l'espace interne légitime l'emplacement, au droit de la cuisine et du coin repas. Une brusque échancrure prolonge vers le ciel cette baie centrale, révélant le volume en creux du solarium.
Une modénature minimale souligne la rive du mur écran du solarium, le rampant de l'escalier et sauve les pilotis de la banalité. Des traces dans l'enduit extérieur indiquent qu'à l'origine la maison était vert pomme, le balcon aujourd'hui détruit, apportant le contraste intéressant du béton brut que l'auteur venait d'expérimenter dans l'operation de la rue de Charonne avec Fischer.
Jean-Louis AVRIL
Paris Oddity 20th Century Society Journal article Autumn 2013
Voir aussi: L'Association "Les habitants de la butte Bergeyre"
_______________
Le parc des Buttes Chaumont - Paris
_______________